lundi 27 juillet 2009

132-am : Ici Londres

par André Maillard du Réseau Clarence

Les compatriotes qui ont connu la guerre 40-45 se souviendront … Tous les soirs, c’était le même rituel : on s’enfermait à double tour, souvent dans l’arrière- cuisine, à l’abri des oreilles indiscrètes et on branchait la radio. Rechercher la fréquence de Londres n’était pas une affaire des plus simples d’autant plus qu’après chaque émission il fallait se brancher sur la radio nationale belge (INR) toute à la solde de l’occupant … on ne sait jamais ?

Pour trouver la fréquence et augmenter la qualité de l’écoute il était recommandé de tourner le bouton lentement jusqu’à obtenir la meilleure syntonisation. Les allemands étaient aussi devenus spécialistes du brouillage des émissions.

Les deux mots les plus attendus étaient ici Londres et l’indication du pays auquel les messages étaient destinés. Les brèves nouvelles de la guerre terminées, la voix de Londres poursuivait par voici quelques messages personnels … et le speaker d’égrainer des phrases toutes les unes plus incompréhensibles que les autres, parfois ponctuées par nous disons deux fois. Nous écoutions ces messages convaincus que ces phrases avaient une signification. D’ailleurs des résistants les attendaient avec impatience.

Voici quelques exemples de messages décryptés parmi des milliers de messages totalement incompréhensibles pour les services secrets de l’ennemi et ses collaborateurs.

D’abord, pour que ces phrases aient leur utilité, il fallait qu’elles soient comprises entre l’expéditeur et le destinataire.

Au début des hostilités, le message est envoyé par courrier à Londres via la France, l’Espagne et le Portugal. Un tel trajet demandait des semaines pour arriver à destination. Le message personnel rassurait ceux restés au pays ou une personne prête à s’engager mais qui craignait un piège.

Il y a le message pas très compliqué destiné à l’ennemi qui donne un agent pour mort alors qu’il est vivant et lui permet de poursuivre sa mission, voire de se mettre à l’abri car venant d’être dénoncé. Le message personnel indique qu’un parachutage d’armes va avoir lieu comme convenu ou qu’un avion se posera brièvement et qu’un balisage est requis pour y réceptionner un agent.

Il y a le message collectif qui annonce le débarquement. Et cet autre trop facile à traduire destiné à dérouter l’ennemi en lui faisant croire qu’une action va se dérouler ici alors qu’elle se passera ailleurs. Et nous disons deux fois complique le message ! Message collectif : Le Roi Salomon a chaussé ses gros sabots. Message local : Le ténor chantera ce soir. Tous ces messages ont été utiles à la Victoire.

Ne mélangeons toutefois pas les genres. Ces messages radio ne doivent pas être confondus avec le très grand nombre d’informations de guerre collectées en Belgique et envoyées à Londres pour apporter aux Alliés des renseignements militaires et économiques. Ces messages codés, reproduits parfois sur microfilms étaient d’abord transmis par courrier. Ils le furent ensuite par radio via un navire servant de relais, grâce aux soins d‘opérateurs formés en Angleterre et parachutés sur nos terres.
Nous ne devons jamais oublier que la moitié de ces opérateurs sont morts en service commandé. Ceux-là, aussi, nous obligent au Devoir de Mémoire.